[Commission compétition] Arbitrer en Taï-Jitsu : un exercice difficile – 2/2

Suite de la première partie qui est disponible ici.

L’arbitrage ne se réduit pas à une application stricte du règlement : c’est un travail complexe qui demande compétence et expérience. Les chercheurs ont analysé les différents facteurs qui influencent la qualité de la décision : après l’expertise et la position…

  • L’expérience : elle permet d’apprécier l’adaptation au règlement (attitude et comportement dangereux ou simulation d’un compétiteur par exemple). Il existe toujours une marge d’interprétation du règlement, surtout lorsqu’il n’y a pas de mesure objective de la performance (chronomètres par exemple). L’expérience de l’arbitre permet d’évaluer cette marge : jusqu’où est-il acceptable que le compétiteur aille ? L’expérience peut se construire sur plusieurs années mais aussi quelques jours avant la compétition. Par exemple, en gymnastique artistique (dont le processus de jugement se rapproche du Taï-Jitsu), les juges peuvent assister aux entraînements quelques jours avant la compétition, afin d’assimiler les liaisons difficiles pour donner plus rapidement les notes. Ils habituent leur regard à évaluer rapidement.
    Élément important à prendre en compte pour le Taï-Jitsu : les « attentes construites par l’expérience ». Cela signifie que l’expérience incite à construire une représentation/conviction personnelle difficile à faire évoluer et qui peut limiter la qualité du jugement. Par exemple, un arbitre perfectionniste sur l’exécution d’un Ma Washi Geri (Tai Jitsu Kata Shodan notamment) pour accorder une place démesurée à une erreur d’exécution (un coup pied moitié circulaire, moitié direct, plus proche du Dollyeo Chagi du TaeKwondo) par rapport à la qualité globale du kata. L’expérience est indispensable mais il faut aussi savoir se remettre en question. Solution pour améliorer l’arbitrage : des regroupements pré-compétitions où les arbitres débattraient de leur point de vue (à partir de vidéos ou de prestations réalisées devant eux) pour arriver à une vision commune.

  • La règle et son interprétation : dès lors que le résultat du match dépend d’un jugement externe, il n’existe pas de position neutre et objective. Il existe beaucoup de règles non écrites (et qu’il est impossible d’écrire). Même la marque du kimono, au moins sa qualité, peut avoir son importance alors que cela ne relève ni du règlement ni de la qualité intrinsèque de la prestation. Les discussion informelles et les débriefings doivent permettre d’ajuster l’interprétation du règlement.

  • L’influence des autres : les retours et les réactions des autres arbitres, des entraînements, voire du public peut aussi influencer, au moins inconsciemment les décisions. Le public doit aussi être « formé » et prendre conscience de l’importance de l’attitude à tenir pour que la compétition se déroule le mieux possible.

Finalement, l’arbitrage sportif est une activité très complexe. Les enjeux d’une compétition ne doivent pas faire oublier aux participants et au public la difficulté de l’exercice. Surtout au sein d’une discipline disposant de peu de moyens et de peu de compétitions. Les arbitres de Taï-Jitsu sont choisis en fonction de leurs qualité. Charge ensuite au responsable des compétitions et de l’arbitrage de maintenir ou d’améliorer leur niveau. L’article a proposé quelques pistes de travail qui ont toutes un dénominateur commun : l’envie de bien faire de la part de l’arbitre et la bienveillance lors des séquences d’échanges et de formation.

Le travail des arbitres est donc un exercice difficile. La critique et le débat sont utiles à la progression et à l’amélioration des capacités de jugement. Le renforcement positif est aussi un outils utile : peut-être le public devrait-il encourager les arbitres autant que ses compétiteurs !